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Les pertes de chaleur dans les serres de production : un enjeu majeur pour les producteurs.
La gestion efficace de la chaleur dans les serres de production est un défi constant pour les horticulteurs. En effet, le chauffage représente une part importante des coûts d’exploitation, pouvant atteindre plus de 30% des dépenses totales opérationnelles sur une année dans certaines régions nordiques comme le Québec. Comprendre les mécanismes de perte de chaleur et les moyens de les réduire est donc essentiel pour optimiser la rentabilité des cultures sous serre.
Les principaux types de pertes de chaleur
1. Pertes par conduction
La conduction est le principal facteur de perte de chaleur dans une serre. Ce phénomène se produit lorsque l’air chaud à l’intérieur de la serre entre en contact avec la surface plus froide de la couverture. La chaleur est alors transférée à travers le matériau vers l’extérieur. L’ampleur de ces pertes dépend de la différence de température entre l’intérieur et l’extérieur, ainsi que des propriétés isolantes du matériau de couverture (plus de détail ci-dessous).
2. Pertes par convection
La convection intervient lorsque l’air chaud s’échappe directement de la serre, soit par la ventilation volontaire, soit par des fuites involontaires. Ce type de perte est particulièrement important lors des périodes de ventilation nécessaires pour contrôler l’humidité dans la serre.
3. Pertes par infiltration
Les pertes par infiltration représentent un aspect crucial des déperditions thermiques dans les serres. Ce phénomène se produit lorsque l’air froid pénètre par des ouvertures ou fissures, permettant à l’air chaud de s’échapper. Des études montrent que ces pertes peuvent atteindre jusqu’à 20% des déperditions totales de chaleur. Une maintenance régulière et une étanchéité soignée sont donc essentielles pour optimiser l’efficacité énergétique de la serre.
4. Pertes par rayonnement
Bien que moins mentionnées dans les sources fournies, les pertes par rayonnement jouent également un rôle. La nuit, la chaleur accumulée dans la structure et les plantes est émise sous forme de rayonnement infrarouge. Si ce rayonnement n’est pas bloqué par la couverture de la serre, il contribue aux pertes thermiques.
L’importance du choix des matériaux de couverture
Coefficient global de transfert thermique de chaleur (U)
Le choix du matériau de couverture est crucial pour limiter les pertes de chaleur. Voici une comparaison des principaux matériaux utilisés, classés du moins au plus isolant :
1. Verre simple : Bien qu’offrant une excellente transmission lumineuse, le verre simple est le moins performant en termes d’isolation thermique. Cependant, la transmission lumineuse est très élevée.
2. Polyéthylène simple paroi : Économique mais peu isolant. Cette solution est plus répandue dans les pays du sud sans période froide. De plus, le simple poly peut se détendre plus facilement avec le vent et s’abîmer s’il est moins tendu.
3. Polycarbonate double paroi (8 mm d’épaisseur) : Offre un bon compromis entre isolation et transmission lumineuse. Toutefois, il laisse passer un peu moins la lumière que le polyéthylène double et le verre.
4. Verre double : il est composé de deux panneaux séparés par un espace d’air ou de gaz inerte, offre une isolation thermique supérieure grâce à sa structure qui limite efficacement les transferts de chaleur entre l’intérieur et l’extérieur de la serre. Cependant, cette solution est plus onéreuse et nécessite une structure de serre avec des extrusions (moulures) adaptées.
5. Double paroi gonflée de polyéthylène : Cette solution crée une couche d’air isolante entre deux films plastiques, améliorant significativement les performances thermiques par rapport au polyéthylène simple. La pénétration lumineuse est élevée ce qui en fait l’un des matériaux de recouvrement les plus populaires dans le monde. Il est possible d’utiliser un polyéthylène avec des propriétés thermiques à l’intérieur de la serre pour décupler les performances en terme de rétention thermique (rayonnement infra-rouge).
6. Panneaux isolants “sandwich” (type Kingspan 3,5 pouces d’épaisseur) : Ces panneaux offrent une excellente isolation thermique, mais au détriment de la transmission lumineuse. Dans les régions nordiques c’est panneaux sont principalement utilisés pour isoler les cotés Nord et le périmètre des serres pour isoler les fondations et parties basses (1,2m haut maximum).
Dans le tableau ci-dessus, plus le coefficient de transfert de chaleur (U) est bas et plus le matériel de recouvrement est adapté pour isoler la serre pendant la période froide permettant donc de réduire les coûts en énergie.
Verre simple vs. serre en polyéthylène double thermique
Une serre en verre simple a un coefficient de transfert thermique d’environ 6,2 W/(m²·°C). En comparaison, une serre en polyéthylène double avec traitement thermique a un coefficient de 2,8 W/(m²·°C) (Source: Joey Villeneuve, 2010).
Pour calculer la différence en pourcentage, nous pouvons utiliser la formule suivante :
Différence en % = (Valeur initiale – Valeur finale) / Valeur initiale *100
Soit (6,2−2,8)/6,2∗100 = 54,8
Ainsi, une serre en polyéthylène double avec traitement thermique offre une amélioration de l’isolation thermique d’environ 54,8% par rapport à une serre en verre simple. Cette différence significative explique pourquoi les serres en polyéthylène double sont souvent préférées pour leur meilleure efficacité énergétique, particulièrement dans les régions où le contrôle de la température est crucial pour la culture.
Il est important de noter que le choix du matériau doit prendre en compte non seulement ses propriétés isolantes, mais aussi sa capacité à transmettre la lumière nécessaire aux cultures.
Stratégies pour réduire les pertes de chaleur
Outre le choix du matériau de couverture, plusieurs stratégies peuvent être mises en place pour minimiser les pertes de chaleur :
1. Installation d’écrans thermiques : Ces écrans, déployés la nuit, créent une barrière supplémentaire contre les pertes de chaleur. Le choix de la qualité thermique de la toile sera très important. Il existe de nombreux choix actuellement dans le marché.
2. Isolation des fondations et des zones sous les cultures : Cette mesure permet de réduire les pertes de chaleur par le sol sans affecter la luminosité.
3. Utilisation de brise-vent : En réduisant la vitesse du vent autour de la serre, on limite les pertes par convection à la surface de la couverture.
4. Déshumidification : L’utilisation de déshumidificateurs permet de contrôler l’humidité sans avoir recours à une ventilation excessive, réduisant ainsi les pertes de chaleur. On retrouve ce type de stratégie dans les serres semi fermées.
5. Gestion intelligente de la ventilation : En optimisant l’ouverture des ouvrants en fonction des conditions climatiques, on peut maintenir un équilibre entre le contrôle de l’humidité et la conservation de la chaleur.
En conclusion, la maîtrise des pertes de chaleur dans les serres de production est un enjeu complexe qui nécessite une approche globale. En combinant un choix judicieux de matériaux de couverture avec des stratégies de gestion climatique adaptées, les producteurs peuvent significativement réduire leurs coûts énergétiques tout en maintenant des conditions optimales pour leurs cultures. L’investissement dans des technologies d’isolation et de contrôle climatique peut sembler important, mais il s’avère souvent rentable à long terme, tant sur le plan économique qu’environnemental.
Sources:
Étude et analyse des effets d’une solution moussante sur le micro climat d’une serre, lorsqu’utilisée comme isolation et ombrage entre les matériaux de couvertures. Joey Villeneuve 2010 (lien).
Le défi de l’énergie dans les serres. Région Centre, France (lien).
Greenhouses: Heating, Cooling and Ventilation: University of Georgia extension (lien)
National Greenhouse Manufacturers Association (NGMA). Heat loss document (lien).
Temperature Control in Greenhouses (Purdue University). Krishna Nemali, PhD (lien)